mardi 10 novembre 2009

Critiques ! Encore un effort pour apprécier l'étalonnage.


Bon comme tout le monde j'ai été voir "Le ruban blanc", après les dithyrambiques critiques sur le travail du chef opérateur Christian Berger...
Que dire ? C'est un noir & blanc on ne peut plus classique, voir classieux, sans intérêt esthétique particulier mais qui convient parfaitement au propos et la vision du réalisateur Peter Hanneke.
Bien que Christian Berger a expliqué qu'en complément à son travail, à l'utilisation de négatif 35 mm, le rendu final devait beaucoup à l'étalonnage numérique, les critiques "teleramanesques" n'ont retenues que le "formidable travail du chef opérateur", l'étalonnage ( sans parler de l'étalonneur !! :-) ) étant passé à la trappe sans doute , certainement, par ignorance de ce travail qui peut être intiment lié à celui du chef op.

Je ne jette pas la pierre à ces critiques patentées de l'image qui s'extasient sur un film N&B par le simple fait qu'il est Palme D'or à Cannes, et qui méconnaissent l'étalonnage, ils montrent par là, leurs petitesses intellectuelles qui sous tend leur perception de l'esthétisme. Non, je note seulement que l'étalonnage est encore en devenir dans l'histoire de l'image.

jeudi 8 octobre 2009

Le double enchevêtrement



J'ai étalonné dernièrement le teaser d'un long métrage d'un jeune réalisateur franco américain James Nicholson.


Son travail m’a marqué, car j’ai ressenti que l’image n’était pas là pour capter, véhiculer la narration, mais que l’image était partie intégrante de la narration, qu’elle était intimement enchevêtrée à la narration. Dans cette image, la caméra n’est pas un objet neutre qui capte, qui donne seulement à voir, elle n’est pas en dehors de l’action, elle est dans l’action, sa composante à égalité avec les acteurs/actrices. Pour atteindre cet enchevêtrement, pas de mouvements alambiqués de caméra, mais pour chaque plan une composition rigoureuse, puissante, juste. L’image est ici sens et langage, elle narre autant qu’elle montre.


L'étalonnage de ces images m’a donné l’impression (trop rare je l’avoue...) que j'étalonnais non plus une image, mais une matière photographique, que l’étalonnage tant technique qu'esthétique, s’enchevêtrait avec l’image, que l'étalonnage était dans l’image comme une composante à égalité de la représentation.

Color horribilis


Dernièrement pour un client j’ai eu à faire un montage/habillage (il faut bien vivre !) d’une dizaine de vidéos provenant de différentes agences, et toutes évidement dans le domaine de l’institutionnel.


Aucune étaient étalonnées. Toutes comportaient des balances de couleur à corriger, des gamma à reprendre, des noirs à revoir. Une image fade, sans saveur. Des images incomplètes en quelque sorte, et qui paradoxalement sont censées transmettre un message. Comment cette incomplétude peut elle être gage de la pertinence de la communication ? Comment se satisfaire d’une image qui ne contribue pas au sens ? Comment donner à voir une image sans finition ?


Ne pas être conscient que l’image tournée est brute, et que l’étalonnage (pas le filtre “Etalonnage 3 voies’ dans FCP, mais un «vrai» étalonnage !! ) est une nécessité pour la qualité du message à transmettre, relève du bon sens et non d’un jugement élitiste sur la qualité de l’image. Cette perception que l’étalonnage est superflu, inutile, dispendieux est d’autant plus obsolète que des plate-formes comme Color permet un étalonnage de qualité sans grever le budget de post prod, permettante de passer de color horribilis à color bellus :-)

et d'avoir, enfin, une image digne du message à transmettre, même dans la video institutionnelle.

dimanche 13 septembre 2009

Etalonnage au long cours



J’ai démarré l'étalonnage de "L’île", un long métrage d’Olivier Boillot, film d’aventure entièrement auto produit (plus d'information sur www.ileprod.fr).

Etalonner un long métrage c’est un voyage au long cours dans la lumière et la couleur. Une traversée. Longue traversée, pas tant par le nombre de plans, que par le cheminement entre les scènes qui sont autant de paysages traversés avec leur propre lumière, leur propre vie, leur propre problématique de correction. On s’attache à une scène, mais à peine fini qu’il faut passer à la suivante, comme les paysages défilants dans un train : un paysage aimé disparaît pour laisser place à un nouveau paysage à aimer. Une suite d’amours.

Et puis le temps. On prend ses habitudes avec le film ( pour un peu on dirait “bonjour !” quand on ouvre le fichier :-)) ). Les images sont les compagnons de voyage, dont on partage l’intimité durant un temps donné dans un espace clos, parfois proches, parfois distants, mais jamais indifférent à leurs sens, à leurs besoins de corrections. L’étalonnage se glisse, se fond dans la narration, devient part d’elle, comme les souvenirs appartiennent au présent qui les créé.

L'étalonnage comme une chorégraphie



Dernièrement j’ai fais l’acquisition d’un pupitre Tangent CP 300 Wave. Annoncé il y an il est sorti avec la version 1.5 de Color .... Le premier contact a été peu déroutant, car les potars et les touches font un peu camelote ! Mais comme ce pupitre est 5 fois moins cher que le haut de gamme, on accepte la chose !!!


Avec le pupitre, étonnamment les gestes sont plus analogiques qu'avec le stylet et la tablette graphique. Avec le pupitre, les mains, les doigts sont en mouvement, comme un peintre. Et on découvre avec plaisir que productivité rime avec qualité : on va plus vite en faisant mieux. Les corrections, mais aussi la démarche gagnent en subtilité, car la précision des trackballs et des potars renforcent le temps de l'analyse, de la réflexion. Mais le pupitre n'est pas seulement un outil de productivité mais aussi un facteur de créativité, car combinant deux mouvements, le balancement entre basses, hautes lumières et tons intermédiaires se fait d'une manière intuitive, fluide, en une suite de mouvements précis et souples, une chorégraphie de la correction colorimétrique en quelque sorte.

lundi 24 août 2009

Lumière morte



Parfois les Courts Métrages relèvent plus de l'A.R.N (Atelier de Réparation Numérique) que de l'étalonnage !!!

L'histoire est là, la réalisation est là, les acteurs sont là, le cadre est là , mais la lumière, elle, n'y est pas (ainsi que le Directeur de la Photographie !)

Balance des blancs hasardeuse, haute lumière cramée, ombres non débouchées, face à cette hécatombe de la lumière, difficile de ramener à la vie cette lumière, de lui insuffler une beauté perdue.


Loin de moi l'idée de jeter la pierre aux Réalisateurs de CM, ils font avec le peu de moyens qu'ils ont, et la chose primordiale est de faire, être dans le mouvement, avancer.


Non ce qui me trouble, c'est que la lumière semble être la dernière roue du carrosse, alors que c'est par elle que l'image née, qu'elle est l'essence de la vision, l'esthétique de la narration.

Et ce qui m'étonne c'est d'imaginer que l'étalonnage pourra résoudre cette absence de lumière ou l'absence de sa maîtrise. Comme si le numérique était doué d’un pouvoir magique qui ferait ressusciter des morts la lumière !


dimanche 28 juin 2009

Le silence des images



Dans l'étalonnage on est au coeur de l'image et au bord de l’histoire qu’elles transmettent. Le travail sur les plans amène une vision fragmentaire de l’histoire. L'histoire est vu au travers des couleurs , de la luminance, de la saturation, du gamma. La continuité dramatique est remplacé par l'homogénéisation des ambiances. Il y a une certaine jubilation à cultiver cette dichotomie, intimité de l’image / distance de l’histoire. Biens sûr, il faut regarder le film avant de l’étalonner, mais à un certain moment, l’histoire s'efface devant l’image qui devient matière à travailler, à modeler. Quand on étalonne on ne voit pas l’histoire, on la perçoit, au travers de sa matière. L'absence de son renforce cette sensation, on est dans la perception, le silence des images.

L’indécise perception



Le flou optique reste d'une beauté supérieur à ces pâles imitations numérico-photoshopiennes (!) Le flou d’un 35 mm est différent de celui d’un 200 mm, et les différentes ouvertures offrent une multitude de variations, de possibles. Dans l’univers mathématique, La logique floue relève de l’incertitude, de l’imprécision, d’états multiples. Le flou optique c’est cela aussi, l’imprécision du regard, l’indécise perception, qui ravit autant l’oeil que l’imaginaire. Les plans de netteté (règle de Scheimpflug) accessibles en photo et maintenant en vidéo (via le Canon 5D MK II) avec l’usage des objectifs à bascule/décentrement (Tilt/Shift) connaît une sorte d'engouement d’usage pour réaliser des photos ou des plans qui donnent l’impression de “miniatures”. Cet engouement se transforme via Internet en une d’hystérie esthétique collective où le sens du flou se dissout, se perd, pour n’être qu’une esthétique marchande qui est visiblement ce qu’elle est essentiellement, une création sans désir.

La disparition



Joli étalonnage du court “Les Sentiers de l’Aube” (Réalisateur Mathieu Raab), car conversion en Noir et Blanc et avec une ambiance différente pour chacun des 12 plans séquences.

J’avais imaginé (naïvement je le confesse !) que le passage en N&B se ferait d’une manière assez uniforme en terme de Secondaire et de CFX. Mais l’absence de couleur obéit à des ressentis et non à des lois : ici sur ce plan il faudra jouer sur les courbes et la désaturation, là bas sur cet autre plan il faudra intégrer en amont un Bleach bypass avant la désaturation. Comme toujours, l’absence , la disparition que ce soit de Couleur ou de l’Amour reste un passage difficile où l’on apprend.

Jean Luc Godard et le Canon 5D MK II



Du lundi 22 juin au mercredi 24 juin premier vrai tournage avec le Canon 5D MKII avec la mise à jour du firmware qui permet un mode entièrement manuel en vidéo.
Quel bonheur ! :-))) Quel bonheur de retrouver la profondeur de champs, le flou, le net, l'entre-deux. Renouer avec le subtil, le presque, l’intime de la construction de l‘image.

Certes la Red possède intrinsèquement la meilleure qualité d’image, les rushes du Canon 5D MK II sont en H264, mais en terme de prix, de maniabilité le Canon 5D MK II est l’outil caméra des indépendants dans la lignée de feu la Aaton 8/35.

Car difficile de ne pas penser à cette caméra née d’une manière éphémère de l’improbable rencontre de JL Godard et JP Beauvalia ( A relire le mythique (!) entretien intitulé “La genèse d’une caméra” dans les Cahiers du Cinéma N° 348 et 350 de 1983). Plus que la Red le Canon 5D MK II va être l’outil d’une nouvelle étape esthétique et créative dans le cinéma indépendant.

Le seul regret est que le Canon 5D MKII est né d'une réflexion marketing et non d’un désir d’image comme les Aaton, car on ne filme pas qu’avec un outil, on film avec l’idée de l’image qu’il incarne.

Photo (celle de gauche !) Raymond Depardon, publiée avec l’aimable autorisation de Jean Pierre Beauvalia.

mercredi 6 mai 2009

Les passeurs de lumière numérique



Vassily Kandinsky était il étalonneur ou chef opérateur ?

Lazlo Moholy Nagy était il étalonneur ou chef opérateur ?

Alexander Mikhaïlovitch Rodtchenko était il étalonneur ou chef opérateur ?

Alexandra Exter était elle étalonneuse  ou chef opérateur ?

Non ils/elles étaient peintres, photographes comme maintenant mais ils vivaient la lumière comme une aventure, un engagement. Une exploration.

Une théorie aussi. La lumière était au service de l'expression et non de la seule narration. C'était une matière en tant que telle, elle n'était pas que technique mais philosophie, mais écriture, mais mystère.

Avant eux, les faiseurs de vitraux du moyen-âge possédaient cette mystique. Les vitraux étaient une sorte d'étalonnage temps réel de la lumière (divine !). Aujourd'hui les chef opérateurs et les étalonneurs sont-ils, du moins quelque fois,  les maîtres verriers des temps numériques,  les passeurs de lumière des vitraux video ? 

( A lire le livre de Bernard Tirtiaux : Le passeur de lumière,  Nivard de Chassepierre Maître Verrier / Folio )

lundi 23 mars 2009

L'enfermement de la couleur


Lorsque l'on étalonne, l'oeil, l'esprit fait corps avec la couleur. Dans la juste obscurité, l'image que l'on étalonne devient le référant, un monde clos où l'oeil exerce sa subtilité a discerner les nuances, à suivre l'évolution d'un réglage, à proposer une variante. Le temps passant, il y a une sorte d'euphorie visuelle qui s'instaure, apportant une aisance d'appréciation, une rapidité d'action. Petit a petit la couleur enferme, un monde clos s'établit, une dérive colorimétrique s'installe, prend le pourvoir et l'oeil abdique son sens critique et créatif devant ce système qui s'auto justifie.
Ce n'est que lorsque il s'est libéré de cet enferment, généralement après plusieurs heures de vision d'univers et dse lumières différentes, voire le lendemain, que visualisant le rendu d'étalonnage je constate les errances, les défauts, les erreurs.

Je fais toujours mes étalonnages en deux passes bien que les clients sont peu à même à comprendre, à admettre la nécessité de ces 2 phases ! Certains étalonneurs au cours de leur travail fixe une zone blanche pour refaire leur balance de blanc interne, pour ma part cela ne suffit pas, il me faut temps et espaces autre pour sortir de l'enferment de la couleur.

mercredi 18 février 2009

Une mise en perceptive par la lumière


L'Etalonneur numérique et une sorte de peintre : il ajuste les couleurs, modèle l'ambiance, structure la lumière.
La lumière est comme la profondeur de champs elle établi des plans dans l'image, des points de fuite, des points de vue, l'étalonnage est une mise en  perceptive par la lumière.

C'est cela l'étalonnage, être à l'écoute de l'image.
C'est cela l'étalonnage, former un triptyque avec le Réalisateur et le Chef Op.
C'est cela l'étalonnage, peindre la lumière.
C'est cela l'étalonnage, une démarche artistique, un travail d'artiste, un métier d'Art.

Alors, dans la post prod refaire le contraste, poser les noirs ce n'est pas de l'étalonnage c'est du travail à la chaîne de post production. Je le fais sans déplaisir pour gagner ma vie, avec toujours un regard sur l'image, mais je laisse aux projets qui possèdent temps et argent, le soin d'assouvir mon désir de peinture.

samedi 7 février 2009

L'invisible travail


L'étalonnage peut être un travail, une démarche artistique, ingrate en fait. Ingrate par son invisibilité, du moins par sa non visibilité, sauf si l'oeil peut comparer l'avant, de l'après. Car l'étalonnage se fait dans le subtil, la perception. Il recrée l'harmonie et finalise l'esthétisme de l'image.  Alors l'oeil voit ce que qu'il doit voir : le sens donné à l'image.

Evidement parfois, souvent, l'étalonnage se voit pleinement, trop, par une dominante de couleurs voulue, un délavé, une désaturation particulière. Alors comme un visage surmaquillé, l'esthétisme se soustrait à sa représentation, on voit mais ne regarde plus l'image.

PS : J'aimerais bien à répondre à "l'Anonyme" qui a laissé un commentaire sur ce post au sujet de l'étalonnage dans un contexte de vidéos institutionnelles. Cette personne peut trouver mon adresse mail dans la rubrique "Vous avez dit Vidéaste" en bas à droite de  cette page où dans la rubrique contact de mon site  www.videopaper.net

vendredi 16 janvier 2009

L'apnée de la couleur


Les séances d'étalonnage, démarrent toujours par une sorte de  rituel autour de la lumière. Fermer les volets.  Fermer les portes. Fermer l'halogène. Moduler le variateur de la lampe près de moi. Obscurité sereine, avec juste la lumière diffuse des néons blanc lumière du jour derrière les écrans. Il y a une sorte de détachement du monde,  une sorte d'ascèse monacale (le gris du mur en face de moi est un rappel parfait de l'austérité Cistercienne ! :-)) ).
Le silence se fait. En fait les deux silence se font. L'un  est le silence du son, l'autre le silence de la couleur, celle de l'au-dehors.  Ce monde extérieur qui disparaît, s'efface,  s'oublie. Et c'est dans ce double silence, dans cette intériorité que démarre l'étalonnage, une descente en apnée dans la couleur.  Et l'on reviendra à la surface des couleurs du monde pour respirer un instant, pour mieux replonger. 
L'obscurité de la salle d'étalonnage me rappelle celle du labo photo, en fait ces deux endroits sont des endroits de créativité, de naissance de l'image.