lundi 23 août 2010

La Marseillaise numérique



J'avais pris connaissance avec une certaine désespérance que le jour de son lancement le site france.fr se plantait faute à une base de données mal calculée...En 2010 ne pas être capable de lancer correctement un site si peu complexe ( voir plus loin) m'étonnait a peine de la part de l'informatique Gouvernementale et/ou Administrative ayant eu a me frotter à la déclaration par Internet pour être Auto Entrepreneur : le site ne fonctionne pas sur Mac ! Alors que ça fait bien 10 ans que tous les grands sites savent gérer tous les navigateurs avec leurs différentes versions, à première vue pour l’URSAF faudra attendre dix ans de plus, sans compter que la télé déclaration ne fonctionne pas si on a, comme moi, deux numéros de Siret, ce qui enlève du charme, on en conviendra, surs les facilités, claironnées par le Gouvernement, induites par internet pour la gestion de ce statut.


Quand le site france.fr a été de nouveau en ligne la première chose qui m'a sauté aux yeux c'est l'extreme pauvreté de la charte graphique qui reprend celle de "20 minutes" : un code couleur par rubrique et des aplats de couleur pour structurer la page. Du tout venant, du quelconque.


A la lecture du «Canard Enchaîné» j'apprend que ce design basique émane de Ora-ïto, le directeur du SIG (Service d’Information du Gouvernement) a fait appel à ce Monsieur, designer de son état et coqueluche des gazettes et des magazines car il trouvait que la charte proposée par l’agence retenue sur appel d’offres faisait "ringard". On imagine sans peine ce que ça devait être....


Etrangement France.fr est un site vide, qui a un très faible contenu éditorial et une iconographique moyenne et qui ne fait que renvoyer vers d'autres sites. Il y a si peu de texte que le blanc est ce que le voit de plus, et pour donner un peu de matière à la page, on a pas oublié de mettre en fond, comme un filigrane, une carte de France. Quelle audace conceptuelle !

Au delà des sommes astronomique engagées pour la création de ce site proche du vide («Le Canard Enchaîné» parle de 100 000 Euro pour la Charte Graphique, 28.000E pour le logo, 3 Millions d’Euros pour la conception globale, hébergement) c’est la pauvreté du design (et du contenu) qui est le plus affligeant, le plus dérangeant.

On avait eu le site Désirs d'Avenir, maintenant on a le site france.fr : A quand le prochain naufrage graphique, la prochaine Bérézina de l'esthétisme, le prochain juin 40 du design web du site politique ?


Quand on voit ce que ces politiciens font en pensant être le nec plus ultra du design numérique on frémit en pensant comment ils imaginent nos vies, nos besoins, nos peines, nos désirs. Alors tous en coeur, entonnons :


Au Web citoyens !

Tous à vos souris

Créons, créons

Qu'un design pur

Abreuve nos écrans

mardi 10 août 2010

Cinémot : Filmer avec des mots



Paris, je t’aime au petit matin d’été

Quand tu es désert, et vidé.

Que tes rues reprennent leurs espaces

Et que j’y déambule sans laisser de traces.


Sans laisser de traces sur le corps de tes rues

Mais où, j'y laisse d'infinies caresses, des festins nus

Des Polaroids secrets, de tes avenues dépecées

Par le vide. Pas de foule, pas de gens, juste un silence lesté.


Juste un silence lesté, par le murmure de bruits lointains,

Tes poubelles qui débordent de papiers crasseux,

Un journal froissé dépasse : "Séisme à Kyoto, 234 morts"

Des mots cachés par d'autres oripeaux, d’autres décors.


D'autres décors derniers les volets fermés sur les fenêtres

Des rideaux tendus sur des vitres opaques à la vie

Qui s'insinue dans tes rues, une voiture qui passe

Seule sur l'avenue, le bruit qui décline doucement.


Doucement, le soleil s'infiltre dans tes rues

Donne vie aux ombres, qui s'allongent sur le bitume

Vert, orange, rouge, minable arc-en-ciel des feux rouge

Sur ton ciel bleu tout neuf, des lumières vides qui clignotent.


Qui clignotent comme le gyrophare

Aspergeant ses rayons sur les alentours aux timides lumières

Arrestation, revolvers pointés, hommes allongés sur le sol

Nuits de deal, argent menottes aux mains.


Aux mains qui indiquent le chemin

A un couple de touristes Américains égarés

Deuxième à droite et puis tout droit.

Le SDF qui se réveille engourdi par une courte nuit.


Une courte nuit qui s'enfuie, chassée par les reflets sur la Seine

Vue du Pont de la Concorde, un vélo qui le traverse

Plus loin, plus loin, les cafés préparent leurs terrasses, dépilent leurschaises

Regard travelling assis dans le taxi qui glisse dans le sillage de l'avenue.


Dans le sillage de l'avenue, un homme titube

Vomi, agenouillé à terre, tache sa veste.

Doux froissements des feuilles des arbres, par la brise du matin

Joggers harnachés de muscles qui me frôlent.


Qui me frôlent, comme ces souvenirs

Du 14 juin 1940, tu étais alors, Paris,

Ville ouverte, ville muette, déserte,

l’Allemagne rentrait dans ce vide.


Dans ce vide qui ornent ce matin tes bancs

Tes arrêts de bus, tes panneaux publicitaires

Femmes lingerie, pose lascive de la marchandise

Qui s’expose aux yeux absents.


Aux yeux absents que comblent mes instants photographiques

Happant ce dimanche matin Parisien.

À la terrasse du café, deux amoureux blottis

Dans leurs baisers, qui emplissent le monde et mon viseur.


Et mon viseur, qui te capte Paris,

Qui capte ton matin, ton silence, tes espaces,

Qui enregistre tes souvenirs, tes détails, tes envies

Paris, tu exposes ton corps, que je surprends dans l'attente.


Dans l'attente.



dimanche 8 août 2010

La lumière est chair



J'avais une vision purement technologique de la qualité d'exposition m’imaginant que l'exposition matricielle du niveau d'un Canon 5D MK II serait quasi parfaite. Mais aussi évolué soient ils, les posemètres mesurant en lumière réfléchie ne savent pas ce qu'ils voient. Que ce soit en photographie ou avec le zébra d’une caméra, ils voient mais ne ressentent pas.


Pour eux le monde est en gris et la base des algorithmes d’analyse a pour référence la réflexion d’un ton moyen, neutre, a mi chemin entre le noir et le blanc : le (fameux) gris neutre a 18 %. Ils excellent quand la scène photographiée à une répartition homogène des tons. L’exposition calculée est une moyenne ; le rendu est donc moyen. Lisse.Plat. Consensuel. Il plait par son absence de déséquilibre. Tout y est. Tout est montré. Obscénité.

Et pour peu qu’il y est des zones blanches et/ou noires, celles ci seront rendu plus gris pour le blanc, moins noir pour le noir. On s’habitue aux mensonges.


Bien que j’étais déjà revenu à une mesure avec prépondérance centrale pour avoir à minima une exposition plus modelée (mais sur les posemètres intégrés, la zone de mesure dépend de la focale utilisée) en approfondissant l ‘étalonnage des caméra RAW, je me suis dis que l’achat d’un posemètre/spotmeter à main devenait une nécessité. Un besoin.


Mes premiers essais en mesure incidente furent une révélation.

Je ne pensais pas que ce type de mesure (on mesure la lumière tombant sur l’objet à photographier et non la lumière réfléchie par cet objet) pouvait être aussi radical dans l'esthétisme.


La matière a un velouté, une présence, une attente troublante. Une texture aux confins de la réalité. Une offrande au regard. Ce regard qui ne se pose plus, mais caresse. La lumière est chair. C’est la lumière du sens. De la sensation. De l’émotion.


Certaines photos ressemblent aux tableaux de l'Ecole Hollandaise du 17ème siècle. Cette école de l’ombre et de la lumière se poursuit dans la mesure en lumière incidente, car on y découvre (par ce type de mesure et la précision du posemètre) l’incroyable versatilité de la lumière : un léger décalage dans l’endroit de la mesure, et on se retrouve sur/sous exposé. Il faut percevoir la lumière pour la mesurer.

Pas de miracle donc, la mesure en lumière incidente reste un outil qu’il faut maîtriser par un lent apprentissage, une grande modestie. Le pinceau ne fait pas le peintre.


L’étrange beauté n’est pas dans la moyenne mais dans la singularité. La mesure en lumière réfléchie (excepté faite celle réalisée sur un gris à 18%) ne peut offrir qu’un rendu mécanique, une sensation abandonnée de toutes singularités, de toutes altérités. Une émotion sans déraison.


Mais voila, la lumière est création. Et de l’exposition à l'étalonnage on se doit d’être à la hauteur de cette ambition. S’engager. Prendre parti. Combattre. Redevenir peintre.




Nos aubes vous oublieront.