dimanche 15 décembre 2013

Piéta cinématographique
















Regard tourné vers le sol, front plissé, il tient l'Arriflex II de ses  deux mains. Il vient certainement de finir un plan. Il vient certainement de dégager son oeil du viseur. Il vient de filmer. Il semble absorbé par ce qu’il vient de tourner.

 Comme sur certaine icône de Saint, on ne sait si l’expression du visage est douleur ou pensée. Il y a une grande spiritualité dans ce geste. Cette pose. Il semble être habité par une présence intérieure. Il semble habité par le geste de filmer. Ce n'est pas une expression unique, sur d’autres photographies de John Cassavetes on retrouve cette pose quasiment mystique. Presque une piéta. Ses mains tiennent la camera d'une façon charnelle. Ses mains tiennent la camera, la porte. Pas d'effort dans ce geste, mais une infinie douceur.


Cette photographie est très émouvante, car on ressent l’acte de filmer, l'engament de la prise de vue.  L'intimité avec l’outil camera. La proximité de l'image. Filmer c'est cela, un acte spirituel et philosophique, où esprit et raison se rencontre.

vendredi 6 décembre 2013

La saturation du réel





















France Culture a été atteint ce matin du "Syndrome de BMFTV", cette saturation du réel,  où tout l'espace doit être consacré à une seule information, à la réaction temps réel seul garante de la véracité aux yeux du système journalistique.

Il fallait entendre ce matin le PDG de France Culture Olivier Poivre d'Arvor bicher sur son coup médiatique :  le chamboulement intégral de l'antenne pour la mort de Mandela… Le journalisme étant ce qu'il est, on peut raisonnablement imaginer que loin d'être improvisé sur l'instant, cette journée avait été plus ou moins préparée de long date dans l'attente de l'événement.

Il est dommage que France Culture se fourvoye dans la Société du Spectacle, au sens que Guy Ernest Debord donnait  à ses mots, à savoir une relation de rôles dans une vie frelatée par la marchandise. La saturation du réel n'est que la transformation instantanée en marchandise de la sidération du réel, qui nous touche, nous émeut.

Nul doute que Marc Voinchet, bateleur de l'information, après avoir terminé sa période "des matins" pourra  se recycler sur BMFM TV.

mardi 3 décembre 2013

Cris et chuchotements de la lumière














Dans le film d’Ingmar Bergman, la caméra donne l'impression de faire corps avec l'image, qu'elle n'est pas dissociée du regard... L'image a une matérialité étonnante, troublante... Peut être aussi est ce du à la composition pure des cadres ? 

Comment, pourquoi presque tous les cadrages sont ils beaux ? Parce que chez Sven Nykvist, le chef opérateur de Ingmar Bergman, ce ne sont pas des images mais des visions qui sont captées. Pourquoi dans tant de films les cadrages n'apportent rien ?  Parce que l'image est morte, elle n'est que l'urne qui contient la narration. Ingmar Bergman, ne raconte pas des histoires, il exprime des sensations, des ressentis, chaque plan est donc une vision. Un tableau. Que l'émotion peint. Chaque plan fait sens. Chaque plan est sens. Chaque plan est une écriture. Un poème.

Ingmar Bergman capte les cris et les chuchotements de l’âme  humaine et celle de la lumière aussi. Sorte de symbiose entre la lumière et le sens. Et quand Ingmar Bergman filme la violence, c’est l'image de la violence et non la violence de l’image qu'il nous donne à voir. A percevoir. Quand Karin porte à sa bouche le sang de son sexe qu’elle a tranché, c’est son regard vers son mari qui est d'une extreme violence, et non sa blessure à peine entrevue. Peut être que lorsque la violence est montrée, ou l’acte sexuel, le réalisateur n'a rien à proposer d’autre que l'image. Il montre. Il ne dit rien. Il n’a rien a dire. 


Ingmar Bergman et Sven Nykvist filment l'âme, c’est cela qui nous troublent. Nous voir de l'intérieur.