dimanche 26 décembre 2010

Slow Vision



Comme si il voulait être à l’unisson de ces temps d'agape, ces temps du trop, du gras, du surplus, de l'excès, le Grand Palais innove en ouvrant (en janvier) 24H/24H l’expo Monet.

Si il est à l’unisson de ces temps
où on se baffre, se gave, ingurgite, s’empiffre, il est à contre courant des mouvements «slow» : Slow Food (www.slowfood.fr) ou Slow City (www.cittaslow.net) qui milite respectivement, pour une nourriture de goût et responsable des impacts de la consommation et l’autre pour un rythme de vie et de développement des villes plus réfléchis, moins tournés vers l'efficacité industrielle.


Face à l’abondance visuelle, à l'outrance de l'image, à la saturation de la vision par la culture de masse, peut être serait il temps de lancer un mouvement de «Slow Vision» axé sur un accès raisonné à l’Art, une vision lente et réfléchie d’une oeuvre qui serait exposée avec langueur ? En évitant ces expositions massives, ces expositions où l’on se goinfre d’Art, ces expositions qui à force de vouloir avoir le plus grand nombre d’entrées ne sont qu’elles même leur propre produit dérivé. Une marchandise que l’on achète, puis un déchet que l’on jette. Une purulence visuelle, qui aveugle. Monet est lent.

jeudi 23 décembre 2010

Le nénuphar lumineux



Il y a quelque chose de surréaliste (si je peux dire..) dans le fait que l'exposition Monet sera ouverte 24H/24H durant ses 4 derniers jours. Obscénité dans ce désir de voir, de faire voir, coûte que coûte, à tous prix, à tout moment, le plus possible, sans interruption. Comme une publicité. Pourquoi ne pas carrément mettre les tableaux dans le métro, entre les 4X4 de pub à la pauvre esthétique glamour des parfums, et celle carcérale des hypermarchés ?

Les gens qui sortiront de l'exposition à 3H du matin dans la nuit froide de janvier, penseront ils aux soleils de Monet ?

Que ce soit dans "Impression soleil levant", ou dans une variante du Charing Cross Bridge, ou dans "Boulevard St Denis Argenteuil effet de neige", ou "Etretat coucher de Soleil", Monet peint de la même manière le soleil : un petit rond de couleur, perdu dans le ciel trop grand pour lui. Un rond dont la matière est traitée comme les nymphéas, une sorte de nénuphar lumineux qui flotte sur notre regard. Il passe de tableau en tableau, se retrouvant aussi dans la représentions des phares des locomotives à St lazare. Comment le voir, ce vagabond de lumière, dans la nuit triste de la culture marchande ?

vendredi 26 novembre 2010

La cohérence du diffus


ECM est un label de Jazz qui m’a toujours attiré par l’esthétisme de ses pochettes et je me souviens dans les années 1990 en avoir acheté, juste pour regarder à satiété la photographie de la jaquette; en ces temps pré-internetien c’était le seul moyen de l'avoir chez soi. Regarder ce CD, sans même l’écouter, ou bien plus tard.


Généralement une identité graphique passe par la création d’un logo censé exprimer l’activité, la culture de l’entité. Il permet l'identification, et l’attirance (exceptés pour les logos des régions, départements et autres entités territoriales qui relèvent d'une anthologie sur la misère creative tant qu'ils sont laids et médiocres...). Chez ECM pas de logo, ce sont les photographies (majoritairement mais aussi des illustrations) qui font l'identité du label, son signe de reconnaissance, son univers. C’est donc une entité complexe et changeante, les photographies, qui constituent l’identité graphique d’ECM.


A l'inverse du logo qui concentre, absorbe comme trou noir conceptuel tout le signifiant de l'activité, la démarche d’ECM repose sur le diffus, le subtil, le complexe, la diversité. Et pourtant cette démarche engendre une unicité, développe un univers, fournit du sens : la cohérence naît de la disparité.


Cette démarche n’est pas le résultat d’une étude ou d’un benchmarking, mais d’une volonté créatrice, d’un désir de beau, d'une vibration d’âme. Les photographies troublantes par leur simple pureté, sont d'une densité étonnante, comme habitées par le sens. Et chaque regard est une rencontre. Un voyage.



Plusieurs livres reviennent sur le langage visuel d’ECM (voir le site d’ECM www.ecmrecords.com pour avoir les références et aussi le livre «Sleeves of desire» Lars Mulller Publishers) en montrant une sélection, ou l’ensemble des jaquettes produites.

lundi 22 novembre 2010

Windows : Une calamité industrielle



Voila 25 ans que Windows a été lancé. Combien de Giga de données ont été perdues à cause de plantages de ce soft ? Combien d’heures de perdues dans les entreprises à cause de ces plantages ? Combien d’heures d’énervement à utiliser ce soft, qui tombe parfois en marche ?

Devant la pauvreté fonctionnelle de Windows, devant son instabilité, devant son absence d'ingénierie logicielle, Microsoft aurait du déposer le bilan en 1990 sous la pression de ses clients. A cette époque là, certaines sociétés comme Dbase ou Goupil ont connues ce sort à cause de ces raisons.

Mais l’arrivisme de Mr B.Gates, la cécité marketing d’IBM, l’élitisme intransigeant d’Apple ont fait que ce tas de bug est devenu incontournable grâce à ces 3 applications bureautiques.

A la lecture des articles deci delà, il faut être journaliste pour trouver que Mr B.Gates a été un grand innovateur, car il suffit de regarder factuellement l’évolution de Windows pour voir que Microsoft n’a été qu’un petit suiveur sans envergure : Apple propose l’interface utilisateur fenêtre/souris avant Microsoft ; l'environnement de développement orienté objet Toolbook copiera avec retard le merveilleux Hypercard d’Apple ; QuickTime est la première architecture multimédia ; .Net de Microsoft est une pâle imitation de JAVA, et l’iPhone d’Apple à remiser les portables sous Windows au, juste, rang d’outils préhistoriques.

Aucune des avancées logicielles de ce quart de siècle est du à cette société, qui a chaque nouvelle version de Windows disait que l’ancienne version n’était pas bonne mais celle là, attention elle sera terrible. Et les journalistes d'acquiescer. Et les journalistes de vanter la facilité de Windows et de sortir plus tard des numéros spéciaux au titre évocateur : «300 trucs pour simplifier et optimiser Windows».

Microsoft ne s’est jamais soucié de l’utilisateur : il fallait voir, dans les années 1990, les arborescences de menus de Windows CE sur le petit écran d’un palmtop et plus près de nous l’obscur barre de tâche de windows 7 et le «Démarrer/ Eteindre» de Windows Vista pour s’en convaincre.... (et penser au millier d’heures de développement pour arriver à cela..)

Bien que tout n’est pas rose chez Apple, ils ont entre autre une ingénierie logicielle de haute volée, qui fait que le Mac OS a une résilience impressionnante qui met en confiance l’utilisateur et qui leur a permis de changer 3 fois de plateforme matérielle (Motorola 68XXX / Motorola Power PC / Intel) dans une transparence quasi parfaite pour les utilisateurs. On frémi en imaginant que Microsoft aille à faire cela, alors qu’ils leur faut une versions (Vista) pour fournir un OS qui soit stable (enfin presque...).

Pour cet anniversaire les utilisateurs n'ont même pas le droit à une part de gâteau alors que Steve Balmer vient de vendre 50 millions d'actions pour un montant de 1,3 Md$ . Vous reprendrez bien un petit bug avec le champagne non ?

mardi 9 novembre 2010

Triste lumière


Cédant à mon faible pour les films en costume, j’ai été voir «La Princesse de Montpensier» de Bertrand Tavernier. Au delà des longueurs, et du rythme mollasson de ce film, quelle déconvenue quant à la lumière ! Si il y a quelques beaux plans, le reste est sans consistance, et les premiers plans en extérieurs sont étonnamment mal équilibrés, les hautes lumières pas maîtrisées, l’ensemble est fadasse, sans cohérence, et surtout sans modelé, sans vision. Etonnant quand on sait les moyens déployés...

Et puis au 3/4 du film des champs contre champs, qui semblent avait été tournés à 3 H d'intervalle sans récupération d’étalonnage.Vraiment étonnant.


La disparités de la qualité de la lumière entre scènes est étonnante, comme si le film était une suite de scènes et non un tout, comme si la vision globale était absente, et que le film se contentait d’un bout à bout de lumière, parfois très beau, le plus souvent médiocre.

J’étais resté sur la très belle lumière du film «La comtesse» de Julie Delpy (Voir mon post «Par la lumière, écrire» www.paperblog.fr/3198113/par-la-lumiere-ecrire/), là il y avait un vrai travail de cohérence, de structuration de la lumière. Elle avait une consistance, un modelé, une matérialité qui la faisait partie intégrante du ressenti, de la narration. Dans le film de Tavernier, la lumière n’est que là pour la pellicule, pas pour l'émotion. Ainsi meurt le regard.

lundi 1 novembre 2010

La mélodie ondulatoire de la lumière


L’exposition Monet au Grand Palais se targue de présenter une complète vision du travail de Monet, mais en fait (au delà bien sûr du coût des prêts et/ou du refus de prêt des collectionneurs privés) elle nous présente qu'une sélection, une vision parcellaire, au travers d’un filtre à la fois critique (ce sont les «chefs d’oeuvres» de Monet) et commercial (rentabiliser l’exposition). En consultant «Monet HD» et «HD Monet Gallery» pour iPhone (chacune coûtant 0,79E) j’ai découvert des dizaines tableaux que je n’avais jamais vu...


A l'aune de cette vision, celle offerte par le Grand Palais semble bien étriquée. Qui plus est, cette vision fragmentaire est amplifiée, décuplée, par les hors séries, les numéros spéciaux et autres résonateurs médiatiques qui font que les 15 tableaux les plus connus sont montrés en boucle, imposés aux regards, déclinés du livre d’Art au set de table, et estampillés comme savoir suffisant. Emotions marchandes, culture de la superficialité où il vaut mieux savoir que connaître, où le plaisir de masse efface, comme valeur, le désir individuel.


Quand même bien le plaisir est grand de voir de visu ces oeuvres, l’accès à un ensemble bien plus grand que le petit noyau de chef d’oeuvres vus et revus et imposés par la Critique Officielle, est nécessaire, primordiale pour qui veut appréhender l’Oeuvre Monet et de se laisser aller à sa propre sensibilité, à sa propre attirance sur des oeuvres, peut être pas majeures, mais qui nous attirent, rentrant en résonance avec nos visions intérieures, nos dérives.


Ainsi la manière dont Monet peint les feuilles des arbres ( «Sous les Citronniers» «La rivière Epte près de Giverny « ...) m’a troublé, intéressé : il y a une sorte de ballet lumineux, de frémissement de lumière, une densité vibrante offrant à nos regards en attente, une mélodie ondulatoire de la lumière. Envie de traduire cela en vidéo ; faire des feuilles une lumière vibratoire, où la couleurs serait onde. Alors, dans l’attente du retour des feuilles et du passage à l’acte vidéographique, passer studieusement l’hiver aux côtés de Monet, blotti délicieusement aux creux de ses lumières.

lundi 25 octobre 2010

De l'intérêt du ciel gris de Paris



Samedi dernier (23 octobre 2010) à Paris, vers les 17H, le ciel devint un camaïeu de gris, avec des touches de noir. Parfois de bleu, en trouée. L’orage se préparait. Lumière étrange, comme filtrée. Avec le gravier blanc du Jardin des Tuileries, la lumière devenait pâteuse, immobilisant, peu à peu, le paysage. La couleur disparaissait, ne laissant voir que les nuances de luminance. Le ciel gris était devenu comme une immense Charte de Gris qui s’offrait à la mesure de mon Spotmetre. Je saisis cet instant étrange de lumière, presque obscure, au bord du noir. Parfaite mesure, sans retouche, capter à même l’instant, ce paysage en déliquescence de lumière. Et pour la première fois de ma vie, j’ai aimé le ciel gris Parisien.

lundi 18 octobre 2010

Les échancrures du réel



Première visite (car j’y retournerais) à l'exposition Monet du Grand Palais. Un peu frustré car certaines toiles aimées et vues en reproduction n’y sont pas (Mais Monet a été si prolixe que le Grand Palais est pardonné !) mais aussi subjugué par le grand nombre de tableaux présents, offrant une immersion dans l’oeuvre, un voyage dans la lumière. Car c’est d’elle que vient l'émotion, sa présence qui fait vaciller comme dans «Femme au jardin». Et ce vert. Je ne sais pourquoi mais le vert que Monet utilise dans ce tableau et aussi dans «La vague verte» et «Paysage d’usines», m’attire, me trouble, comme un rappel, une mémoire abandonnée.


Devant la puissance de la série sur les Cathédrales (ou des Peupliers, des Meules de Foin, du Pont d’Argenteuil...), cette exploration du rendu de la lumière, la photographie HDR fait pâle figue, non pas en terme d’intérêt mais en terme de recherche et de créativité. Et de facilité. Loin de la création presse-bouton imposé par le marketing, Monet lutte, combat. Sa peinture si légère nécessite détermination, énergie, persévérance, travail,réflexion, expérimentation, erreur, engagements, errements, questionnements, recommencements. C’est cela la lumière.

Ainsi la mort en devient lumineuse ( Camille sur son lit de mort), un parquet un reflet d’eau (Un coin d'appartement), un bras de la Seine, le début du monde (Matinée sur la Seine).


Au fil des tableaux, en une lente dérive lumineuse, je me à rêver de pouvoir un jour filmer des paysages avec une caméra possédant une grande plage dynamique (comme l’ARRI Alexa) pour capter les nuances des hautes comme des basses lumières, et une fois cette matière captée, engrangée, à l’étalonnage la travailler comme un forcené, et de vibrations en résonances, de fractales de couleurs en touches de vision, de rentrer dans la lumière comme Monet l’a fait dans ses toiles, échancrures du réel, car il peint ce que l’âme voit.

mercredi 6 octobre 2010

L’homme sans flou


Belles photos que celles d’André Kertész (Exposition au Jeu de Paume).Etonnamment presque aucune composition à un flou d’arrière plan (à part quelque unes, comme «Jambes», " Enfants Tziganes»). Des photos sur un seul plan, d’un seul tenant, un morceau brut de temps. Bien que le flou fasse partie de mon esthétisme, les photos de A.Kertész, m'émeuvent, me touchent, m’attirent. L’homme sans flou isole ma vision. La rend pure.


Un autre homme sans flou, Raymond Depardon, et ses photos de «La France» (Exposition BNF). Ici, la netteté apporte l’ennui, le déjà vu, le déjà revu, le déjà rerevu. Mais comme c’est Raymond Depardon, c’est génial, bien sûr. De plus, en terme de démarche, il me semble que dans les années 50/60 il y avait un corps de photographes au Ministère de l’Agriculture qui étaient chargé de photographier «La France», il faudrait pouvoir confronter ces regards. Ceux de ces photographes anonymes et celui de Raymond. Car le Raymond est à la photographie ce que le Marcel est à l’habillement : un esthétisme figé. Alors le regard se détourne, affamé, vers d’autres horizons.

Quant à son usage de la chambre 20x25, ils ne fait que copier, ce Raymond, bien d’autres photographes paysagistes qui le font depuis bien longtemps avant lui aux Etats-Unis ou en France. Pour les amoureux de la chambre photographie, le site www.galerie-photo.com leur ouvrira la porte de la photographie grand format, tant au niveau technique qu'esthétique. Un régal des yeux, loin de Raymond.

jeudi 30 septembre 2010

Nymphéas Trip



Virgules, traits, éraflures, absences, matières, recouvrements, superpositions, en petites touches le pinceau de Monet, capte des instantanés de lumière, des fragments de temps. La lumière devient rivière. Elle coule, coule, calme et douce, forte et rugueuse. Sur la toile. Efface les perspectives. Construit des cathédrales de reflets, des châteaux de couleurs. Pas de matière. Pas de matière, juste la lumière. Qui fourmille, scintille, abstraite et présente. Se répandant dans les regards. Labyrinthe de sensations. Touches de pinceaux serpentant dans les regards. Dérive de couleur, aux exigeantes puretés. Lacis, traces. Chemins aussi. Abolition du ciel, qui devient liquide. N'existant que par son absence. Ses reflets. Abandonner la perspective pour la perception. Se glisser entre les touches de pinceau. Voir à l'extrême de la lumière. Notre regard. Misérable carcan, aux désuètes limites par rapport à ce que Monet nous offre. Marcher le long de la lumière, et aux portes de la perception, entrer en Elle. Ne pas revenir.

lundi 27 septembre 2010

En rencontrant Monet


Le Grand Palais, à l’occasion de l’exposition Monet, propose dans sa «Boutique Monet», son lot de merchandising sur Monet, avec un mug à 9,50 E la RMN assure ainsi son avenir financier (qui en 2001, avant le passage à l’euro donc, aurait payé un mug 62,23 F ?????).

Calendriers, boucle d’oreilles, foulards, bougies, posters, montres, cravates, bagues, bracelets, colliers, sacs, longue liste à la Prévert de ces babioles culturelles qui transforment une Oeuvre en Marchandise.


Cette pratique de la Marchandise, est de bonne guerre (commerciale), et cela ne gène pas la RMN, antre culturelle si il en est, mais cette fois çi, elle a poussé le bouchon encore plus loin. Sur le site dédié à l’exposition (monet2010.com), il est proposé un «Voyage» qui permet de parcourir de l’oeuvre de Monet à travers «une expérience digitale unique» dixit le site.


A part le bel effet de révélation des toiles, (comme une tache se répandant sur l’écran en une jolie progression fractale), mais quand même un peu lassant à la x ième vision, cette «expérience digitale unique», permet, en cliquant, de faire envoler la Pie sur le tableau, «La Pie, effet de neige», sur un autre tableau de faire onduler l’eau, sur un autre d’enlever le brouillard, sur un autre de faire tourner les ailes d’un moulin, et enfin de faire carillonner les cloches de la cathédrale de Rouen...

Quelle créativité ! Quelle interactivité ! On se croirait dans les années 1990, où l’on pensait que cliquer c’était faire interagir l’utilisateur... Et puis, ces interactions vides de sens qu’apportent elle à l'utilisateur comme connaissance de l’oeuvre de Monet ? C’est un pur produit marketing, du graphisme pour le graphisme, avec une esthétique maniérée de publicité. D'ailleurs l’agence qui a réalisé ce site est une grande spécialiste des sites produits en Flash (Jean Paul Gaultier, Oasis (la boisson..), Lancôme, Karl Lagerfeld.....). On comprend mieux le traitement infligé aux oeuvres de Monet, dans la lignée de la » Boutique Monet» de la RMN, ils ont fait fait le site du produit Monet.


Louis Gillet, critique d’art, a écrit en 1927, «Trois Variations sur Claude Monet» (Éditions Klincksieck). Ces textes font partie des plus beaux écrits sur l’oeuvre de Monet, ils nous apportent une compréhension sur le travail de Monet, sa nouveauté, sa profondeur, son ancrage dans l'Histoire de l’Art, le tout dans une écriture belle et attirante. Ici pas «d'expérience digitale unique» mais des mots, rien que des mots ; du sens rien que du sens ; de la réflexion rien que de la réflexion ; de la beauté, rien de la beauté.

Même si l’image est mon métier, mon moyen d’expression, devant l’image marketing, je me replonge dans les mots. Et dans les mots de Louis Gillet, je rencontre Monet.


mardi 21 septembre 2010

Monet, une réalité adolescente


Avant le tsunami humain et médiatique (en partie déjà commencé) de l’exposition Monet au Grand Palais, j’ai été voir «Monet et l'Abstraction» au musée Marmottant. Une exposition intelligente et belle, mettant en parallèle plusieurs œuvres de Claude Monet et celles d'artistes qui s’en sont inspirés (Kandinsky, Joan Mitchell, Pollock, Ritcher....) montrant ainsi la contribution incontournable et fondamentale de Claude Monet à l'Art Abstrait.


Au détour de la visite, découverte de deux tableaux de Monet : «Bras de Seine, près de Giverny, soleil levant» (1897) et «Charing Cross Bridge» (1899).

Dans ces 2 tableaux, la lumière est à l’état pur tant les formes sont suggérées. Un fantôme d’image, dans une sorte de désaturation qui m’a fait pensé à l'image obtenue par les cameras numériques qui fournissent en sortie une image logarithmique 10 bits (Panasonic Genesis, Sony F23 entre autre..). Etrange résonance entre peinture et numérique. Vibrations de la création se propageant d’époque en époque.


Formes diaphanes, couleurs en apesanteur, ces deux tableaux donnent à percevoir une réalité en révélation, une réalité adolescente. Une image si fragile que l’on n’ose la regarder de peur de l’effacer. Une image si fragile mais pourtant si présente, si forte, si prégnante dans la sensation qu’elle procure, dans la réalité qu’elle impose. La matière s’estompe devant la lumière, et nos yeux deviennent capteurs d’âme.

lundi 13 septembre 2010

La mort du clair-obscur


Le posemètre / spotmètre à main a pour moi définitivement remplacé la mesure d’exposition faite par l’appareil (Canon 5D MK II)

Sans parler de la mesure incidente, et même sans charte de gris, le spotmetre permet en faisant une mesure multiple, associée à une moyenne de ces mesures, de concevoir, de créer sa propre lumière en modulant les mesures en hautes et basses lumières sur un nombre choisis d’endroits dans la composition.On est loin de la rigidité technique et créative de la prépondérance centrale en interne de l’appareil sans parler de la mesure matricielle reine de l'interprétation et de falsification de la lumière.


De mes multiples essais, il apparaît que les algorithmes de appareils photos sur exposent la photographie. Sur-expose n’est peut être pas le bon terme, les algorithmes lissent la lumière, rien ne doit rester dans l’ombre, tout doit se voir, tout doit être montré. Alors on rehausse les basses lumières, on égalise, on gomme la pénombre, l'exposition technique tue le clair-obscur.


Ainsi donc depuis 60 ans (depuis les années 50 où les Japonais ont, de fait, le monopole de la fabrication d'appareil photo), notre regard a été éduqué, déformé à une perception lisse, sans altérité, une expositions sans accro. C’est un procédé technique qui répond à un besoin marketing : une lumière plus simple à décoder, plus accessible à chacun, apte à satisfaire le plus grand nombre. Une lumière qui éclaire mais ne trouble pas, une lumière morte, qui ne donne pas à penser, seulement à voir.


Alors, il faut revenir à la singularité, composer la lumière comme on compose le cadre. Et devant cette altération de la perception, il faut ressusciter le Clair-Obscur. Le renouveler.


Passer au posemètre à main, c’est se réapproprier la lumière, c’est passer d’une lumière technique et marketing à une lumière créative et personnelle. C’est créer tout simplement.

Réintégrer à l’intérieur de soi la perception, avec un regard lumière et un regard de composition, et encore et toujours revenir à la peinture. Exposer comme Le Caravage peint.


mardi 7 septembre 2010

Misère et tristesse de la Marchandise


C’est la rentrée. Pour le Luxe aussi. Chanel et Dior nous gratifie de film -publicité. : un 30 secondes réalisé (?) par M.Scorsese pour l’un et un 16 mins (!) réalisé (?) par D.Lynch pour l’autre.

Quelle misère esthétique. Quelle tristesse visuelle. L'esthétique est si codifié, si maniéré, si rigide que l’on croit que l’on a déjà vu 100 fois ces films. Le Luxe n’a rien à dire. Sauf : acheter.


Dans ces deux films (?), à part les produits il y a aussi des acteurs (?) et actrices (?). Dans l’un (Chanel) le mannequin s’essaye à la comédie (scène où elle refuse le baiser et s’en va), c’est un jeu bien appuyé, tout en lourdeur. Pitoyable.

Dans l’autre (Dior) Marion Cotillard est à l’apogée de son art dans ce rôle où tout n’est que exagération et appui. C’est vrai que la différence entre une «biopic» et un film produit est maigre, tant les deux sont de la marchandise avant d’être du cinéma.


Et puis il y a la terrifiante audace visuelle de Mr D.Lynch qui foudroie le spectateur : des filés de lumière la nuit et des trainées de mouvement dues à un prise de vue en obturation lente. Mon dieu ! Du jamais vu ! De la pure invention ! On se pâme devant tant de création. On frémit devant cet d’avant-gardisme si subversif.


Il semblerait que l'esthétisme du luxe se réduit à montrer des choses chers : 1 suite d’un hôtel 5 étoiles + 1 David Lynch ; 1 parfum + 1 Martin Scorsese ; 1 sac + 1 Marion Cotillard. Mais cela fait il un film ? Mais cela créé t-il une sensation ? Mais cela génère t-il une sensation ? Bien que le story board de chaque publicité est dicté par les études de marché, on peut se demander, devant cette béance de la création, si les pubards du Luxe ne font pas fausse route et qu’à force de présenter du vide, ils ne récoltent que du vide.



Et puis, Mrs D.Lynch et M. Scorsese ont ils des fin de mois si difficile pour se vautrer ainsi dans la fange du Luxe ?

jeudi 2 septembre 2010

De la lumière du Panthéon



Rome. Découverte. Première fois. Ville colorée. Immeuble décor. Bleu du ciel. Calme. Douceur. Pavés noir des rues. Labyrinthe de fontaines. Pin parasol au coeur de la ville. Jardins tendres de la Villa Borghese. Lacis de ruelles. Se perdre. Ruines surgissantes dans le présent. Fresques. Tableaux. Sculptures. Eglises. Basiliques. Saturées de couleurs.


Et dans cette exubérance colorée, le camaïeux de gris du Panthéon et sa lumière si douce. Si troublante. Venant du haut par l'oculus, la lumière diffuse, douce, pleine, porteuse de regards et de désirs lointains.


Dans cette lumière qui emplit et pénètre, loin des Dieux, l'exposition de la photographique devient dialogue avec cette atmosphère lumineuse. Presque, proche du sacré. Le gris émeut. Capter ses nuances, ses enluminures sombres. Ici la lumière est matière et l’exposition photographique la sculpte. Patiemment. Car pas de braketing, ni de mode HDR, illusions technologiques, mirages marketing, mais ressentir la lumière, l’évaluer, la comprendre, la mesurer avec le spotmetre. Se tromper. Recommencer. Affiner. Choisir.


Prendre son temps. Etre lent. Etre dans le temps de la lumière. Cette lumière toute en ombre, qui est à peine altérée par la marque de l'oculus faite par le soleil, qui glisse, silencieuse, sur les murs au fil des heures. Seule trace de présent dans cette immortalité faite lumière.

lundi 23 août 2010

La Marseillaise numérique



J'avais pris connaissance avec une certaine désespérance que le jour de son lancement le site france.fr se plantait faute à une base de données mal calculée...En 2010 ne pas être capable de lancer correctement un site si peu complexe ( voir plus loin) m'étonnait a peine de la part de l'informatique Gouvernementale et/ou Administrative ayant eu a me frotter à la déclaration par Internet pour être Auto Entrepreneur : le site ne fonctionne pas sur Mac ! Alors que ça fait bien 10 ans que tous les grands sites savent gérer tous les navigateurs avec leurs différentes versions, à première vue pour l’URSAF faudra attendre dix ans de plus, sans compter que la télé déclaration ne fonctionne pas si on a, comme moi, deux numéros de Siret, ce qui enlève du charme, on en conviendra, surs les facilités, claironnées par le Gouvernement, induites par internet pour la gestion de ce statut.


Quand le site france.fr a été de nouveau en ligne la première chose qui m'a sauté aux yeux c'est l'extreme pauvreté de la charte graphique qui reprend celle de "20 minutes" : un code couleur par rubrique et des aplats de couleur pour structurer la page. Du tout venant, du quelconque.


A la lecture du «Canard Enchaîné» j'apprend que ce design basique émane de Ora-ïto, le directeur du SIG (Service d’Information du Gouvernement) a fait appel à ce Monsieur, designer de son état et coqueluche des gazettes et des magazines car il trouvait que la charte proposée par l’agence retenue sur appel d’offres faisait "ringard". On imagine sans peine ce que ça devait être....


Etrangement France.fr est un site vide, qui a un très faible contenu éditorial et une iconographique moyenne et qui ne fait que renvoyer vers d'autres sites. Il y a si peu de texte que le blanc est ce que le voit de plus, et pour donner un peu de matière à la page, on a pas oublié de mettre en fond, comme un filigrane, une carte de France. Quelle audace conceptuelle !

Au delà des sommes astronomique engagées pour la création de ce site proche du vide («Le Canard Enchaîné» parle de 100 000 Euro pour la Charte Graphique, 28.000E pour le logo, 3 Millions d’Euros pour la conception globale, hébergement) c’est la pauvreté du design (et du contenu) qui est le plus affligeant, le plus dérangeant.

On avait eu le site Désirs d'Avenir, maintenant on a le site france.fr : A quand le prochain naufrage graphique, la prochaine Bérézina de l'esthétisme, le prochain juin 40 du design web du site politique ?


Quand on voit ce que ces politiciens font en pensant être le nec plus ultra du design numérique on frémit en pensant comment ils imaginent nos vies, nos besoins, nos peines, nos désirs. Alors tous en coeur, entonnons :


Au Web citoyens !

Tous à vos souris

Créons, créons

Qu'un design pur

Abreuve nos écrans

mardi 10 août 2010

Cinémot : Filmer avec des mots



Paris, je t’aime au petit matin d’été

Quand tu es désert, et vidé.

Que tes rues reprennent leurs espaces

Et que j’y déambule sans laisser de traces.


Sans laisser de traces sur le corps de tes rues

Mais où, j'y laisse d'infinies caresses, des festins nus

Des Polaroids secrets, de tes avenues dépecées

Par le vide. Pas de foule, pas de gens, juste un silence lesté.


Juste un silence lesté, par le murmure de bruits lointains,

Tes poubelles qui débordent de papiers crasseux,

Un journal froissé dépasse : "Séisme à Kyoto, 234 morts"

Des mots cachés par d'autres oripeaux, d’autres décors.


D'autres décors derniers les volets fermés sur les fenêtres

Des rideaux tendus sur des vitres opaques à la vie

Qui s'insinue dans tes rues, une voiture qui passe

Seule sur l'avenue, le bruit qui décline doucement.


Doucement, le soleil s'infiltre dans tes rues

Donne vie aux ombres, qui s'allongent sur le bitume

Vert, orange, rouge, minable arc-en-ciel des feux rouge

Sur ton ciel bleu tout neuf, des lumières vides qui clignotent.


Qui clignotent comme le gyrophare

Aspergeant ses rayons sur les alentours aux timides lumières

Arrestation, revolvers pointés, hommes allongés sur le sol

Nuits de deal, argent menottes aux mains.


Aux mains qui indiquent le chemin

A un couple de touristes Américains égarés

Deuxième à droite et puis tout droit.

Le SDF qui se réveille engourdi par une courte nuit.


Une courte nuit qui s'enfuie, chassée par les reflets sur la Seine

Vue du Pont de la Concorde, un vélo qui le traverse

Plus loin, plus loin, les cafés préparent leurs terrasses, dépilent leurschaises

Regard travelling assis dans le taxi qui glisse dans le sillage de l'avenue.


Dans le sillage de l'avenue, un homme titube

Vomi, agenouillé à terre, tache sa veste.

Doux froissements des feuilles des arbres, par la brise du matin

Joggers harnachés de muscles qui me frôlent.


Qui me frôlent, comme ces souvenirs

Du 14 juin 1940, tu étais alors, Paris,

Ville ouverte, ville muette, déserte,

l’Allemagne rentrait dans ce vide.


Dans ce vide qui ornent ce matin tes bancs

Tes arrêts de bus, tes panneaux publicitaires

Femmes lingerie, pose lascive de la marchandise

Qui s’expose aux yeux absents.


Aux yeux absents que comblent mes instants photographiques

Happant ce dimanche matin Parisien.

À la terrasse du café, deux amoureux blottis

Dans leurs baisers, qui emplissent le monde et mon viseur.


Et mon viseur, qui te capte Paris,

Qui capte ton matin, ton silence, tes espaces,

Qui enregistre tes souvenirs, tes détails, tes envies

Paris, tu exposes ton corps, que je surprends dans l'attente.


Dans l'attente.



dimanche 8 août 2010

La lumière est chair



J'avais une vision purement technologique de la qualité d'exposition m’imaginant que l'exposition matricielle du niveau d'un Canon 5D MK II serait quasi parfaite. Mais aussi évolué soient ils, les posemètres mesurant en lumière réfléchie ne savent pas ce qu'ils voient. Que ce soit en photographie ou avec le zébra d’une caméra, ils voient mais ne ressentent pas.


Pour eux le monde est en gris et la base des algorithmes d’analyse a pour référence la réflexion d’un ton moyen, neutre, a mi chemin entre le noir et le blanc : le (fameux) gris neutre a 18 %. Ils excellent quand la scène photographiée à une répartition homogène des tons. L’exposition calculée est une moyenne ; le rendu est donc moyen. Lisse.Plat. Consensuel. Il plait par son absence de déséquilibre. Tout y est. Tout est montré. Obscénité.

Et pour peu qu’il y est des zones blanches et/ou noires, celles ci seront rendu plus gris pour le blanc, moins noir pour le noir. On s’habitue aux mensonges.


Bien que j’étais déjà revenu à une mesure avec prépondérance centrale pour avoir à minima une exposition plus modelée (mais sur les posemètres intégrés, la zone de mesure dépend de la focale utilisée) en approfondissant l ‘étalonnage des caméra RAW, je me suis dis que l’achat d’un posemètre/spotmeter à main devenait une nécessité. Un besoin.


Mes premiers essais en mesure incidente furent une révélation.

Je ne pensais pas que ce type de mesure (on mesure la lumière tombant sur l’objet à photographier et non la lumière réfléchie par cet objet) pouvait être aussi radical dans l'esthétisme.


La matière a un velouté, une présence, une attente troublante. Une texture aux confins de la réalité. Une offrande au regard. Ce regard qui ne se pose plus, mais caresse. La lumière est chair. C’est la lumière du sens. De la sensation. De l’émotion.


Certaines photos ressemblent aux tableaux de l'Ecole Hollandaise du 17ème siècle. Cette école de l’ombre et de la lumière se poursuit dans la mesure en lumière incidente, car on y découvre (par ce type de mesure et la précision du posemètre) l’incroyable versatilité de la lumière : un léger décalage dans l’endroit de la mesure, et on se retrouve sur/sous exposé. Il faut percevoir la lumière pour la mesurer.

Pas de miracle donc, la mesure en lumière incidente reste un outil qu’il faut maîtriser par un lent apprentissage, une grande modestie. Le pinceau ne fait pas le peintre.


L’étrange beauté n’est pas dans la moyenne mais dans la singularité. La mesure en lumière réfléchie (excepté faite celle réalisée sur un gris à 18%) ne peut offrir qu’un rendu mécanique, une sensation abandonnée de toutes singularités, de toutes altérités. Une émotion sans déraison.


Mais voila, la lumière est création. Et de l’exposition à l'étalonnage on se doit d’être à la hauteur de cette ambition. S’engager. Prendre parti. Combattre. Redevenir peintre.




Nos aubes vous oublieront.