lundi 30 janvier 2017

Lettres d'amour photographiques

















Au travers d’un livre, pour l’instant, en auto édition, j’ai pu découvrir le travail de Sylvie R. Robert que j’avais entre-aperçu et déjà aimé sur Facebook
Les photographies de Sylvie Robert sont de l’amour. Un amour immense. Ses photographies sont des lettres d’amour. Des lettres d’amour à ses filles, aux paysages, à la lumière. A la vie.
C’est une photographie d’âme, une photographie du tréfonds, de l’intérieur. C’est son âme qui voit, qui photographie. Elle pose un regard, comme on fait une caresse. Elle a le temps du regard, ce temps ni long, ni court, à la fois instantané et émanant d’un désir lentement construit. Le temps de l’émotion et du souvenir. Le temps de l’écriture. 
Elle possède l’art du flou, celui çi s’intègre dans l’image comme un élément primordial. Ce n’est pas seulement le flou d’arrière plan c’est aussi et surtout celui de premier plan, qui capte la fragilité du moment, celui du regard intime qui n’ose pas embrasser la totalité de la scène, et qui fait une pause sur le chemin de l’émotion. Un flou de questionnement, de peur peut être, d’infinie douceur aussi. 
Ses photographies possèdent un rapport étrange et beau entre le premier plan et l’arrière plan. Il donne une sensation ambivalente de distance et de proximité, comme si l’auteure voulait d’un seule geste abolir, effacer la séparation de la perception du loin et du près, de l’instant et du souvenir. On retrouve aussi cette écriture de la confusion de la séparation et de l’unité dans ces cadrages élaborés de dos, de nuques comme autant de visage sans visage. 
Dans ces photographies la présence de l’auteure est palpable. On sait qu’elle est là. On sait aussi qu’elle s’efface devant son propre regard. C’est une photographie incarnée, et là aussi elle nous perturbe et émeut par son désir de réunir en un seul instant, en une seule matière, la photographe et son sujet. Peut être que les photographies de Sylvie Robert sont en fait des autoportraits, des reflets d’âme.
Sylvie Rober donne à voir. Elle donne. C’est une photographie d’offrande. Que nous prenons dans notre regard avec mille précautions, mille plaisirs et mille remerciements pour ces instants passés avec ses photographies.

Photographie © Sylvie Robert 2017

jeudi 26 janvier 2017

Révolution Treblinka




Sur mes chemins de l’Est, Vassili Grossman m’a fait bifurqué vers Treblinka, dont il est le premier à rendre compte en septembre 1944 dans un récit « L’Enfer de Treblinka ».
Treblinka est un camp d’extermination, comme Sodibor, Belzec, Chemino, dédié à l’extermination des Juifs, c’est à dire qu’une partie d’un convoi, soit environs 2500 personnes arrivait à l’entrée du camps, 3 heures plus tard elles brûlaient sur les buchers à ciel ouvert.

Les Nazis prélevaient dans les convois des jeunes hommes forts pour servir de main d’oeuvre esclave : pour trier les bagages, couper  les cheveux des femmes, sortir les cadavres des chambre à gaz, arracher les dents en or, jeter les cadavres dans les fosses et en 1943, pour déterrer des centaines de milliers de corps décomposés et les transporter sur les buchers pour faire disparaître toute trace du génocide. Un des ces hommes, Chil Rajchman, a réussir à survivre 10 mois à Treblinka. Quand la dernière fosse fut presque vidé de ces cadavres, présentant qu’ils seront tous assassinés et que personnes pourraient témoigner, ces hommes se sont révoltés et évadés de Treblinka, le 2 août 1943.

Après guerre il devait avoir une dizaine de survivants sur les 800.000 juifs assassinés à Treblinka. Child Rajchman fit parti de ces survivants.  Il réussi à rejoindre Varsovie fin 1943, qui était à 90km de Treblinka et se cacher chez un ami jusqu’à la fin de la guerre. Durant cette période, c’est à dire alors que la guerre n’était pas encore finie, il a écrit son témoignage , « Je suis le dernier Juif » qui a été édité très tardivement, après sa mort en 2004. 

C’est une écriture d’apocalypse, une écriture caméra qui enregistre, restitue sans fard la vérité nue, qui nous submerge. Nous envahit. Une écriture à perdre haleine, une écriture qui courre sans arrêt comme ces hommes étaient obligés de le faire dans l’exécution de leurs tâches, ne pas courir assez vite c’était les coups de fouet et de cravache, s’arrêter c’était une balle dans la tête. 

Une écriture étrangement belle dans son aridité, son bousculement des mots, sa discontinuité narrative, sa fragmentation  émotionnelle,  son incomplétude et dans la description de ce temps de mort, des éclats de mot « les wagons tristes m’emportent vers ce lieu… », qui surgissent on ne sait comment, on ne sait d’où.

C’est une écriture cinglante, dégoulinante comme le sang qui sortait des fosses, à mille lieux de celle de Charlotte Delbo par exemple, tout aussi belle, toute aussi profonde et émouvante mais plus posée, plus littéraire. L’écriture de Chil Rajchman est à l’unisson de la vitesse de disparition d’un convoi à Treblinka et quand ces Hommes se sont lancé à l’assaut des barbelés le jour de la révolte, le 2 aout 1943, c’est aux cris de « Révolution Treblinka ! ». Ces cris résonnent dans ma mémoire comme un appel.

Je suis le dernier Juif de Chil Rajchman / Le Livre de Poche

lundi 16 janvier 2017

Glissement de la lumière sur le temps

















Jeûne de 7 jours.
Le jeûne rend léger, le corps est en jachère. Au repos. Au silence.
Le corps redevient lent. On le sent.
Perception plus fine, plus pure de la lumière, comme si un filtre avait été ôté, un voile levé, étrangeté d’un nouveau regard.
La pensée, l’écriture deviennent plus facile, comme libérées de la gangue du corps, comme elles se seraient extraites de la matière, de la chair, le corps n’étant plus alors un obstacle, une déchirure.
Respiration, ample, profonde, lente, reposante, au rythme millénaire.
Le temps du jeûne est un temps long, un temps qui s’étend, un temps fluide, un temps où la hauteur du soleil redevient importante, où l’on perçoit l’importance de l’ombre qui s’étend sur le mur, où l’on entend le glissement de la lumière sur le temps.

jeudi 5 janvier 2017

La mort est là


La mort est là. Là dans ma main. La mort est là dans ma main. 
La Tottenkoffe, l'insigne des SS est là dans ma main. La mort est là dans ma main. Je la regarde. Je regarde la mort, là dans ma main. Je l’observe. J’observe la mort. Là dans ma main. Là dans mon souvenir. Cette mort jouera dans « EST ». La mort est là. Là dans ma main vieillie. Là vivante dans mon histoire.