dimanche 15 novembre 2015

Parfois je la revois






























Vers la fin de “Echoes of silence”, le film de Peter Emanuel Goldman, il y a un plan très beau. Etrange. Court. 5 secondes. Une femme habillée de blanc, se tient debout. Dos au mur. La caméra la filme en plongée. Elle émerge de l’obscurité dense de la rue. Elle se détache. Elle en blanc. La rue en noir. Elle a sa main gauche posée sur sa hanche. Dans une pose langoureuse. Elle est en robe. Manche courte.  C’est une nuit d’été. A son poignet gauche elle porte une montre. Elle ne sait pas qu’elle est filmé. Elle est adossé au mur d’un porche. Elle attend. Peut être est ce une prostituée ? Elle attend. Son corps est attente. Son corps a une certaine nonchalance dans sa pose. Oui c’est une prostituée. Certainement. La caméra la filme en plongée. Elle la filme  à son insu. En plongée. Tout a coup. Comment le sait elle ? Elle tourne sa tête vers la caméra, un bref instant. On découvre son visage. Son beau visage.  Son regard. Son beau regard.  Cette femme est belle. Extraordinairement belle. Elle  a une robe  avec des fleurs imprimées.  C’est un film des années 60. Elle a des cheveux courts. Elle regarde la caméra. Un bref instant. Un bref instant, on dirait quelle sourit. Elle regarde la caméra. Surprise. Puis son regard se baisse. Comme honteuse que l’on la filme ainsi. Dans l’attente. Elle a des cheveux courts qui laisse sa place, toute la place , a son visage. A son regard. Elle baisse la tête et pivote sur son côté droit, pour entrer  sous le porche. Se cacher. Se soustraire au regard. De la caméra. Pour disparaître. Elle nous laisse qu’un profil. Une ligne d’elle même. Une tache blanche de souvenir. J’aimerai la retenir. La connaître. Etre la nuit qui l’enveloppe. Être la pellicule dans laquelle son image est imprimée. Retenue. Embaumée.
Parfois je la revois.

lundi 9 novembre 2015

Auschwitz Saison 1





















Le torrent médiatique qu’accompagne la sortie du film “Le fils de Saul” et le story telling journalistique autour de son réalisateur (Premier film, sa jeunesse, presque palme d’or, sa production refusée en France) engloutit quelque peu la réflexion, voire l’intelligence.

La forme narrative et fictionnelle du cinéma traditionnel est elle la forme la plus pertinente pour parler d'Auschwitz ? 
“ Nuit et brouillard “ était un regard d’auteur posé sur l’Histoire. Celui de “Le fils de Saul”  est celui des poncifs scénaristiques et esthétiques du cinéma commercial.  C’est un film d’aventure qui, toute honte bue, se passe à Auschwitz  et il est fort à parier qu’une chaîne Américaine en rachètera les droits pour en faire une série : Auschwitz Saison 1 ; Auschwitz Saison 2, ça aura de la gueule sur les publicités  de Netflix…. 

Et puis le recours à la fiction narrative n’est il pas une faiblesse idéologique ? Un aveu de l’intégration de son propos dans le système marchand, avec comme corollaires l’acception des contraintes marketing de l’industrie cinéma au détriment d’Auschwitz comme Histoire. 

En terme d’écriture cinématographie, ce film est terriblement  marqué par la patte de la génération « Gopro » : Steadycam ad nauseam comme unique réflexion sur l’image, et on se ressent quand même comme un rescapé de l’image car on évité  le ralenti et le time lapse…

D’autres formes de cinéma existent pour évoquer d’Auschwitz, pour regarder Auschwitz, pour réfléchir Auschwitz. Mon court métrage « Le Ruisseau » adapté d’un texte de Charlotte Delbo extrait de “Auschwitz et après / Une connaissance Inutile” ; Editions Gallimard, sera projeté le mercredi 25 novembre 2016,  lors de la soirée de projection de court métrages organisée  par « Les bobines du Loup », au Lou Pascalou, 14 rue des Panoyaux 75020 Paris, métro Ménilmontant. Entrée libre à partir de 20H. Projection à 21H