jeudi 30 septembre 2010

Nymphéas Trip



Virgules, traits, éraflures, absences, matières, recouvrements, superpositions, en petites touches le pinceau de Monet, capte des instantanés de lumière, des fragments de temps. La lumière devient rivière. Elle coule, coule, calme et douce, forte et rugueuse. Sur la toile. Efface les perspectives. Construit des cathédrales de reflets, des châteaux de couleurs. Pas de matière. Pas de matière, juste la lumière. Qui fourmille, scintille, abstraite et présente. Se répandant dans les regards. Labyrinthe de sensations. Touches de pinceaux serpentant dans les regards. Dérive de couleur, aux exigeantes puretés. Lacis, traces. Chemins aussi. Abolition du ciel, qui devient liquide. N'existant que par son absence. Ses reflets. Abandonner la perspective pour la perception. Se glisser entre les touches de pinceau. Voir à l'extrême de la lumière. Notre regard. Misérable carcan, aux désuètes limites par rapport à ce que Monet nous offre. Marcher le long de la lumière, et aux portes de la perception, entrer en Elle. Ne pas revenir.

lundi 27 septembre 2010

En rencontrant Monet


Le Grand Palais, à l’occasion de l’exposition Monet, propose dans sa «Boutique Monet», son lot de merchandising sur Monet, avec un mug à 9,50 E la RMN assure ainsi son avenir financier (qui en 2001, avant le passage à l’euro donc, aurait payé un mug 62,23 F ?????).

Calendriers, boucle d’oreilles, foulards, bougies, posters, montres, cravates, bagues, bracelets, colliers, sacs, longue liste à la Prévert de ces babioles culturelles qui transforment une Oeuvre en Marchandise.


Cette pratique de la Marchandise, est de bonne guerre (commerciale), et cela ne gène pas la RMN, antre culturelle si il en est, mais cette fois çi, elle a poussé le bouchon encore plus loin. Sur le site dédié à l’exposition (monet2010.com), il est proposé un «Voyage» qui permet de parcourir de l’oeuvre de Monet à travers «une expérience digitale unique» dixit le site.


A part le bel effet de révélation des toiles, (comme une tache se répandant sur l’écran en une jolie progression fractale), mais quand même un peu lassant à la x ième vision, cette «expérience digitale unique», permet, en cliquant, de faire envoler la Pie sur le tableau, «La Pie, effet de neige», sur un autre tableau de faire onduler l’eau, sur un autre d’enlever le brouillard, sur un autre de faire tourner les ailes d’un moulin, et enfin de faire carillonner les cloches de la cathédrale de Rouen...

Quelle créativité ! Quelle interactivité ! On se croirait dans les années 1990, où l’on pensait que cliquer c’était faire interagir l’utilisateur... Et puis, ces interactions vides de sens qu’apportent elle à l'utilisateur comme connaissance de l’oeuvre de Monet ? C’est un pur produit marketing, du graphisme pour le graphisme, avec une esthétique maniérée de publicité. D'ailleurs l’agence qui a réalisé ce site est une grande spécialiste des sites produits en Flash (Jean Paul Gaultier, Oasis (la boisson..), Lancôme, Karl Lagerfeld.....). On comprend mieux le traitement infligé aux oeuvres de Monet, dans la lignée de la » Boutique Monet» de la RMN, ils ont fait fait le site du produit Monet.


Louis Gillet, critique d’art, a écrit en 1927, «Trois Variations sur Claude Monet» (Éditions Klincksieck). Ces textes font partie des plus beaux écrits sur l’oeuvre de Monet, ils nous apportent une compréhension sur le travail de Monet, sa nouveauté, sa profondeur, son ancrage dans l'Histoire de l’Art, le tout dans une écriture belle et attirante. Ici pas «d'expérience digitale unique» mais des mots, rien que des mots ; du sens rien que du sens ; de la réflexion rien que de la réflexion ; de la beauté, rien de la beauté.

Même si l’image est mon métier, mon moyen d’expression, devant l’image marketing, je me replonge dans les mots. Et dans les mots de Louis Gillet, je rencontre Monet.


mardi 21 septembre 2010

Monet, une réalité adolescente


Avant le tsunami humain et médiatique (en partie déjà commencé) de l’exposition Monet au Grand Palais, j’ai été voir «Monet et l'Abstraction» au musée Marmottant. Une exposition intelligente et belle, mettant en parallèle plusieurs œuvres de Claude Monet et celles d'artistes qui s’en sont inspirés (Kandinsky, Joan Mitchell, Pollock, Ritcher....) montrant ainsi la contribution incontournable et fondamentale de Claude Monet à l'Art Abstrait.


Au détour de la visite, découverte de deux tableaux de Monet : «Bras de Seine, près de Giverny, soleil levant» (1897) et «Charing Cross Bridge» (1899).

Dans ces 2 tableaux, la lumière est à l’état pur tant les formes sont suggérées. Un fantôme d’image, dans une sorte de désaturation qui m’a fait pensé à l'image obtenue par les cameras numériques qui fournissent en sortie une image logarithmique 10 bits (Panasonic Genesis, Sony F23 entre autre..). Etrange résonance entre peinture et numérique. Vibrations de la création se propageant d’époque en époque.


Formes diaphanes, couleurs en apesanteur, ces deux tableaux donnent à percevoir une réalité en révélation, une réalité adolescente. Une image si fragile que l’on n’ose la regarder de peur de l’effacer. Une image si fragile mais pourtant si présente, si forte, si prégnante dans la sensation qu’elle procure, dans la réalité qu’elle impose. La matière s’estompe devant la lumière, et nos yeux deviennent capteurs d’âme.

lundi 13 septembre 2010

La mort du clair-obscur


Le posemètre / spotmètre à main a pour moi définitivement remplacé la mesure d’exposition faite par l’appareil (Canon 5D MK II)

Sans parler de la mesure incidente, et même sans charte de gris, le spotmetre permet en faisant une mesure multiple, associée à une moyenne de ces mesures, de concevoir, de créer sa propre lumière en modulant les mesures en hautes et basses lumières sur un nombre choisis d’endroits dans la composition.On est loin de la rigidité technique et créative de la prépondérance centrale en interne de l’appareil sans parler de la mesure matricielle reine de l'interprétation et de falsification de la lumière.


De mes multiples essais, il apparaît que les algorithmes de appareils photos sur exposent la photographie. Sur-expose n’est peut être pas le bon terme, les algorithmes lissent la lumière, rien ne doit rester dans l’ombre, tout doit se voir, tout doit être montré. Alors on rehausse les basses lumières, on égalise, on gomme la pénombre, l'exposition technique tue le clair-obscur.


Ainsi donc depuis 60 ans (depuis les années 50 où les Japonais ont, de fait, le monopole de la fabrication d'appareil photo), notre regard a été éduqué, déformé à une perception lisse, sans altérité, une expositions sans accro. C’est un procédé technique qui répond à un besoin marketing : une lumière plus simple à décoder, plus accessible à chacun, apte à satisfaire le plus grand nombre. Une lumière qui éclaire mais ne trouble pas, une lumière morte, qui ne donne pas à penser, seulement à voir.


Alors, il faut revenir à la singularité, composer la lumière comme on compose le cadre. Et devant cette altération de la perception, il faut ressusciter le Clair-Obscur. Le renouveler.


Passer au posemètre à main, c’est se réapproprier la lumière, c’est passer d’une lumière technique et marketing à une lumière créative et personnelle. C’est créer tout simplement.

Réintégrer à l’intérieur de soi la perception, avec un regard lumière et un regard de composition, et encore et toujours revenir à la peinture. Exposer comme Le Caravage peint.


mardi 7 septembre 2010

Misère et tristesse de la Marchandise


C’est la rentrée. Pour le Luxe aussi. Chanel et Dior nous gratifie de film -publicité. : un 30 secondes réalisé (?) par M.Scorsese pour l’un et un 16 mins (!) réalisé (?) par D.Lynch pour l’autre.

Quelle misère esthétique. Quelle tristesse visuelle. L'esthétique est si codifié, si maniéré, si rigide que l’on croit que l’on a déjà vu 100 fois ces films. Le Luxe n’a rien à dire. Sauf : acheter.


Dans ces deux films (?), à part les produits il y a aussi des acteurs (?) et actrices (?). Dans l’un (Chanel) le mannequin s’essaye à la comédie (scène où elle refuse le baiser et s’en va), c’est un jeu bien appuyé, tout en lourdeur. Pitoyable.

Dans l’autre (Dior) Marion Cotillard est à l’apogée de son art dans ce rôle où tout n’est que exagération et appui. C’est vrai que la différence entre une «biopic» et un film produit est maigre, tant les deux sont de la marchandise avant d’être du cinéma.


Et puis il y a la terrifiante audace visuelle de Mr D.Lynch qui foudroie le spectateur : des filés de lumière la nuit et des trainées de mouvement dues à un prise de vue en obturation lente. Mon dieu ! Du jamais vu ! De la pure invention ! On se pâme devant tant de création. On frémit devant cet d’avant-gardisme si subversif.


Il semblerait que l'esthétisme du luxe se réduit à montrer des choses chers : 1 suite d’un hôtel 5 étoiles + 1 David Lynch ; 1 parfum + 1 Martin Scorsese ; 1 sac + 1 Marion Cotillard. Mais cela fait il un film ? Mais cela créé t-il une sensation ? Mais cela génère t-il une sensation ? Bien que le story board de chaque publicité est dicté par les études de marché, on peut se demander, devant cette béance de la création, si les pubards du Luxe ne font pas fausse route et qu’à force de présenter du vide, ils ne récoltent que du vide.



Et puis, Mrs D.Lynch et M. Scorsese ont ils des fin de mois si difficile pour se vautrer ainsi dans la fange du Luxe ?

jeudi 2 septembre 2010

De la lumière du Panthéon



Rome. Découverte. Première fois. Ville colorée. Immeuble décor. Bleu du ciel. Calme. Douceur. Pavés noir des rues. Labyrinthe de fontaines. Pin parasol au coeur de la ville. Jardins tendres de la Villa Borghese. Lacis de ruelles. Se perdre. Ruines surgissantes dans le présent. Fresques. Tableaux. Sculptures. Eglises. Basiliques. Saturées de couleurs.


Et dans cette exubérance colorée, le camaïeux de gris du Panthéon et sa lumière si douce. Si troublante. Venant du haut par l'oculus, la lumière diffuse, douce, pleine, porteuse de regards et de désirs lointains.


Dans cette lumière qui emplit et pénètre, loin des Dieux, l'exposition de la photographique devient dialogue avec cette atmosphère lumineuse. Presque, proche du sacré. Le gris émeut. Capter ses nuances, ses enluminures sombres. Ici la lumière est matière et l’exposition photographique la sculpte. Patiemment. Car pas de braketing, ni de mode HDR, illusions technologiques, mirages marketing, mais ressentir la lumière, l’évaluer, la comprendre, la mesurer avec le spotmetre. Se tromper. Recommencer. Affiner. Choisir.


Prendre son temps. Etre lent. Etre dans le temps de la lumière. Cette lumière toute en ombre, qui est à peine altérée par la marque de l'oculus faite par le soleil, qui glisse, silencieuse, sur les murs au fil des heures. Seule trace de présent dans cette immortalité faite lumière.