jeudi 4 juin 2015

22 Gia Long Street, Saigon












Je n'avais jamais vu, ou alors je m'en souviens pas, les scènes filmées montrant l'embarquement des privilégiés Sud Vietnamien dans les hélicoptères Américains sur le toit du bâtiment de l’USAID à Saigon, au 22 Gia Long Street, dont le dernier étage était réservé au responsable de la CIA au Vietnam.

Je ne connaissais que la fameuse photographie prise par le photographe Hugh Van Es d’UPI. Je la connaissais par l'intensité dramatique de cette vision, sa symbolique forte de la victoire du Viêt-cong par la fuite des nantis dans l’affolement. Cette dramaturgie reposant sur plusieurs aspects ; d'abord la dimension de cette file d’attente, son allongement qui suite les structures du bâtiment ; puis sa disproportion de sa taille avec celle de l'hélicoptère Huey UH -1B (emport de 8 personnes), l'étroitesse de la plateforme (toit de la machinerie d’’ascenseur ?) où se pose l’hélicoptère, le cadre serré qui fixe le regard sur cet embarquement.

Vingt ans de guerre et cette évacuation dans la précipitation sur un mouchoir de poche seul territoire restant aux mains des États Unis. Vingt ans de guerre pour en arriver là, peut on penser. Cette photographie est encore plus iconique de la défaite Américaine que celle des chars du Viet Cong, envahissants le palais présidentiel. C’est cet instant figé, que la mémoire retient et sur lequel elle bâtit son pathos, établit sa conscience.

La séquence filmée est tout autre. Elle ne donne pas cette charge émotive que la photographie apporte. Elle ne semble donner qu'une information, loin du symbole. Évidement l'oeil est sollicité par le mouvement : celui des palpes de l’hélicoptère, celui des gens entrant dans l'hélicoptère, celui, nerveux, de ceux qui attentent dans la file et  le  bruit si caractéristique et hypnotisant de l’Huey.
 Bien sûr il y a tout cela, mais aussi peut être que la perceptive moins tassée du film (tourné avec une caméra 16 mme comme on peut l’imaginer), son cadre plus large par rapport à celui du Nikon utilisé par la photo avec un 300mm,  contribue à effacer la dimension symbolique de la prise de vue, ne laissant que celle de l'information, que l'on a oublié…

Dans cet instant, la fonction d’icône revient à la photographie, celle du film est le factuel. C’est la dimension du capteur ( Nikon 24mm x 36 mm / Camera 16mm : 10,2 x 7,42 mm) qui confère à la photographie sa dramaturgie. Le 16 mm, même  avec un fort téléobjectif ou zoom équivalent mais avec une MAP à grande distance, n’offre pas ce tassement des perpectives qui permet de modeler le regard, de créer une tension.

Les caméras du » Nouveau Documentaire » avec leur capteur S35 (ARRi Amira, Black Magic URSA Mini, Sony FS7) offrent ce tassement de perspectives, ce découpage, même imperceptible, du plan de netteté et celui de l’arrière plan; Il est probable que la scène de l’embarquement au 22 Gia Long Street, Saigon, captée par ce type de caméra lui aurait conférer émotion et intensité et aurait rivalisé, en terme symbolique, avec sa contrepartie photographique...

Si la débauche technique que le numérique nous offre parasite le regard, certaines évolutions, comme celle de la démocratisation des capteur S35, lui apporte une nouvelle vision, une nouvelle arme, que nous devons utiliser.

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