samedi 6 septembre 2014

Paris, ville lumière...





Au mois d'août j'ai tourné mon film " Le ruisseau". Je l'ai tourné à Nimes.
J’ai commencé à derusher et à tous les plans mon regard est confronté à la lumière du Sud.  C’est la lumière du Sud qui donne dans les images, ce noir profond et ce blanc léger, cette infinité de ton moyens. Cette lumière est matière alors qu’ici à Paris elle n’est que perception. C'est dans la nuit que la lumière de Paris existe, mais le jour elle n’est que source lumineuse, et non peinture. Sans parler que durant 6 mois, la lumière Parisienne ne brille que par son absence.

Si Van Gogh, Cézanne, Picasso, Matisse, sont partis dans le sud on peut les comprendre. La lumière du Sud est constitutive de leur travail, de leur regard. De leurs sensations. Et puis filmer en lumière naturelle, en utilisant réflecteurs et diffuseurs, est un grand plaisir. En la modulant, la guidant ainsi on fait corps avec la lumière comme on fait corps avec camera en l'ayant à l’épaule. La lumière devient alors texture d’image, texture de sens.


Le teaser de " Le ruisseau" est disponible sur : https://vimeo.com/104656422

mercredi 3 septembre 2014

Nouveaux soleils








J'ai 60 ans aujourd'hui.
J'ai commencé ma vie sur le tard, la quarantaine. La dépression, l'HP, les 8 ans d'analyse ont été mon baptême. Une entrée en matière.

Il m'a fallu encore 10 ans de plus pour naître à mon monde d'images, ma vraie naissance, mon vrai monde.  Quand j’avais 20 ans, la soixantaine sentait le sapin. Mais je me suis trompé ça fleure bon la marguerite, la jonquille…. Même si le corps a déjà quelques faiblesses (!),  j’aborde la soixantaine avec plénitude et un désir, un appétit, d’image qui n'a jamais été aussi grand.  J’ai encore 10 ans devant moi pour faire mes films d’âme, ceux que je porte en moi. 

Apres ? Peut être que je m’effacerais en lousdé dans un saut du haut d’une falaise en filmant les ultimes moments en GoPro, ou bien je ferais de la presta de travelling  avec ma chaise roulante ou je serai exposé à la FIAC pour mon film "Shaking" co-produit avec Parkinson…

Mais là, depuis la première minute de ce jour, je pars  à la découverte, à la conquête de nouveaux soleils.

dimanche 18 mai 2014

La caméra amoureuse


















Si la forme d'India Song, le beau film de Marguerite Duras, tranche avec le cinéma standard, le cinema narratif, si le texte a une grande beauté propre, l'image reste d'une beauté académique (pourtant c'est Bruno Nuytten qui est à la caméra), une image  ampoulée d'une esthétisme convenue, une image bourgeoise dans son essence et sa forme. 

Le premier plan échappe à cela, sa beauté qui pouvait laisser augurer une grande mélopée visuelle, est orphelin. Il est seul. Comme abandonné.

Certes on peut imaginer que la réalisatrice a souhaité, cette rigueur, cette distance, ces compositions larges, ces plans comme des tableaux, pour "dépeindre" ses personnages, cette atmosphère. Mais si l'entité film est déconstruite, celle de l'image conserve un classicisme aux audaces étriquées. La déconstruction de l'image par le flou, les valeurs de plan, par une caméra organique, une caméra amoureuse des peaux et des regards reste, encore aujourd'hui, une lutte à mener. Un désir à assouvir.

jeudi 1 mai 2014

La tête dans les images





















Découverte d’Olivier Smolders aux court métrages attirants, avec une vraie démarche esthétique et un parti pris du non narratif.  Son recueil de court métrages en DVD qui s'intitule « Exercices Spirituels » est une gourmandise visuelle, à l’exquise saveur poétique. Du cinéma. 
Son unique long métrage « Nuit noire » est moins attirant, moins convaincant comme si la durée diluait son talent. Pour Ingmar Bergman  son talent se dilue dans l'espace qui n'est plus clos (maison, île, couple, névrose). « L’oeuf de serpent » ou « La honte » sont, à mes yeux, des films faibles, vides. Ce n'est pas tant l'espace qui perd I.Bergman mais c'est un territoire qui ne lui convient pas,  où il est étranger. Une âme errante. Il n'est plus dans ses terres mais dans celles du conventionnel, de l'attendu, dans celle de la doxa narrative marchande. Il nous faut être ce que nous sommes.

Le festival de Cannes approchant, je commence à me protéger du déluge médiatique qui va s’abattre  sur nos têtes, et plus que jamais,  je reste la tête dans les images…

dimanche 6 avril 2014

Film












Elle fuit la camera, comme le regard du souvenir auquel elle voudrait échapper. Elle se cache de la lumière de sa mémoire. Elle fuit. Se cache. Se dissimule. Elle vit dans l’alternance de l'ombre et de la lumière, de la douleur et du bonheur, de la réminiscence et du présent. Parfois conjurant sa mélancolie, elle réussit à s'échapper d'elle même, alors, un court instant, elle brille de la vie qui est en elle. Comme sa mémoire fragmentée on ne la voit qu'en partie. Comme une disparition inachevée, elle est moitié présente, moitié absente. Sa mélancolie l'a rend lente, tout est lourd, sa mémoire, son souffle. Son regard. Elle se cache de la vie, la camera la surprend dans ses obscurités, ses refuges d ‘ombres. Elle a l’immobilité des nuages qui passent. Etre de fragments, son présent est un collage continuel de pensées, de lieux, de situations, dont la cohérence n’existe que pour elle. La caméra n’est que le témoin inlassable de ce temps saccadé, où le présent se dérobe à la raison et la volonté au souvenir. La caméra ne capte pas ce que fait cette femme, mais ce qu’elle vit.

vendredi 21 mars 2014

Le cinéma sans image



















Est ce que le cinema narratif ne relève t-il pas du réflexe pavlovien ?  Ne s'adresse t il pas qu’à notre cerveau reptilien : angoisse, peur, force, pulsion ?
L'écriture des scénarios s'est standardisé sous l'impulsion de l'industrie du cinema Américaine, à tel point que le moindre émotion, le moins rebondissement est programmé à la minute près, le spectateur réagissant à des stimuli et non à une perception qui élabore lui même. Le « Fordisme » a fait des émules,  les séries et les films sont fabriqués à la chaine. L'image aussi est devenue une représentation technique de la réalité, elle n’est plus une émotion perçue. Elle est désincarnée. Désenchantée. Le Chef Opérateur est, presque, devenu un Directeur Produit.

Le cinéma ne semble  n’exister que par la narration, qu’au travers d’elle. Il est étonnant de voir les court métrages  de jeunes réalisateurs/trices actuelles, il n’y a pas d’image, juste une narration ( avec comme à l’école, une introduction, un développement, une chute, évidement la moins attendue par le spectateur). Vraiment, est  ce cela le cinéma ?

« Persona »,  d’Ingmar Bergman n'est pas un film narratif, il ne raconte pas à proprement parlé une histoire, il articule des émotions, il tisse un ensemble de réflexions, de ressentis. Le début du film relève du cinéma abstrait, son langage à ce moment là est celui de la poésie visuelle, dont relève aussi un long plan où tout est flou, et où on distingue la silhouette de Liv Ullman traversant la pièce jusqu'à la fenêtre…Ingmar  Bergman l'homme des visages, de la lumière est aussi l’homme de l’image sur laquelle s’appuie l’émotion, et bien que ces scènes de violence sont épurées, on y ressent la violence pure, celle du désir d'anéantir l’autre.
R.Depardon dans « Une femme en Afrique », lui aussi ne raconte pas d'histoire, il entrelace ses émotions au travers la lumière, l'ombre, l'entrebâillement d'une fenêtre. Il s'ouvre aux mondes intérieurs. Et pourtant nous comprenons, et pourtant nous nous émouvons…

La narration a tellement colonisé le cinéma, que l’on peut se demander si notre cinema actuel, n’est pas un cinema sans image, un cinema d’absence,  dépossédé de sa matière même. Un cinéma de flux narratif, comme on parle des émissions de flux à la télévison, celles qui ne sont que marchandises, celle qui  n’existent que pour les revenus publicitaires qu’elles génèrent.

Dans le documentaire "A ciel ouvert"  de Mariana Otero (un documentaire  sur un institut pour enfants autistes aux méthodes ouvertes, et "anti psychiatriques »)  l'absence d'une esthétisme de l’image est sidérante. Filmée avec une EX1, son rendu pétant de saturation, son manque de finesse (4:2:0), sa grande profondeur de champs, font que l'image relève plus du reportage pour le JT de fin de soirée  qu'un parti pris associant l'image en tant que composante du regard posé sur une situation.
La télévision  impose sa vision, plate, linéaire.  Les cadrages aussi, sont empreints de cet esthétisme de reportage, voir ce n'est pas regarder.  Si on compare  ce documentaire  a celui  de R. Depardon sur l’asile de San Clemente.  R.Depardon pose un regard, il capte l’émotion. Il est seul.  Sa camera est son regard et non un outil a enregistrer des images. Image et discours ne sont pas dissociés, mais pleinement réunis. Ne font qu’un. 
(A noter que le générique de « A ciel ouvert «  est incroyablement long , hormis les remerciement compréhensibles, l'équipe technique est imposante même si le dossier de presse veut nous faire croire que la réalisatrice est seule.)


Le cinéma sans image est peut être la forme la plus aboutie du cinema comme marchandise, il est le moment où la narration est parvenue à l’occupation total du sens. Ce paroxysme est porteur de changement,  viendra le temps des impressionnistes, des cubistes, qui feront du cinéma nouveau, car  l’absence de narration, la  non causalité sont au film ce que l’abstraction est à la peinture : une perception  intérieure de la réalité, porteuse de sensation.