mardi 10 août 2010

Cinémot : Filmer avec des mots



Paris, je t’aime au petit matin d’été

Quand tu es désert, et vidé.

Que tes rues reprennent leurs espaces

Et que j’y déambule sans laisser de traces.


Sans laisser de traces sur le corps de tes rues

Mais où, j'y laisse d'infinies caresses, des festins nus

Des Polaroids secrets, de tes avenues dépecées

Par le vide. Pas de foule, pas de gens, juste un silence lesté.


Juste un silence lesté, par le murmure de bruits lointains,

Tes poubelles qui débordent de papiers crasseux,

Un journal froissé dépasse : "Séisme à Kyoto, 234 morts"

Des mots cachés par d'autres oripeaux, d’autres décors.


D'autres décors derniers les volets fermés sur les fenêtres

Des rideaux tendus sur des vitres opaques à la vie

Qui s'insinue dans tes rues, une voiture qui passe

Seule sur l'avenue, le bruit qui décline doucement.


Doucement, le soleil s'infiltre dans tes rues

Donne vie aux ombres, qui s'allongent sur le bitume

Vert, orange, rouge, minable arc-en-ciel des feux rouge

Sur ton ciel bleu tout neuf, des lumières vides qui clignotent.


Qui clignotent comme le gyrophare

Aspergeant ses rayons sur les alentours aux timides lumières

Arrestation, revolvers pointés, hommes allongés sur le sol

Nuits de deal, argent menottes aux mains.


Aux mains qui indiquent le chemin

A un couple de touristes Américains égarés

Deuxième à droite et puis tout droit.

Le SDF qui se réveille engourdi par une courte nuit.


Une courte nuit qui s'enfuie, chassée par les reflets sur la Seine

Vue du Pont de la Concorde, un vélo qui le traverse

Plus loin, plus loin, les cafés préparent leurs terrasses, dépilent leurschaises

Regard travelling assis dans le taxi qui glisse dans le sillage de l'avenue.


Dans le sillage de l'avenue, un homme titube

Vomi, agenouillé à terre, tache sa veste.

Doux froissements des feuilles des arbres, par la brise du matin

Joggers harnachés de muscles qui me frôlent.


Qui me frôlent, comme ces souvenirs

Du 14 juin 1940, tu étais alors, Paris,

Ville ouverte, ville muette, déserte,

l’Allemagne rentrait dans ce vide.


Dans ce vide qui ornent ce matin tes bancs

Tes arrêts de bus, tes panneaux publicitaires

Femmes lingerie, pose lascive de la marchandise

Qui s’expose aux yeux absents.


Aux yeux absents que comblent mes instants photographiques

Happant ce dimanche matin Parisien.

À la terrasse du café, deux amoureux blottis

Dans leurs baisers, qui emplissent le monde et mon viseur.


Et mon viseur, qui te capte Paris,

Qui capte ton matin, ton silence, tes espaces,

Qui enregistre tes souvenirs, tes détails, tes envies

Paris, tu exposes ton corps, que je surprends dans l'attente.


Dans l'attente.



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